Hommage à Gabriel AMIOT
allocution à l’occasion du décès de Gabriel AMIOT
(reçue de Jean Fluchère : le 19 juin 2023)
Je vous adresse la copie de l’allocution que j’ai prononcée le 17 juin à la demande de la famille dans la petite église d’Avoudrey dans le Doubs, très joli petit village de Gabriel Amiot. Il y avait aussi les 2 sœurs de Gaby. Son frère ainé était décédé il y a 5 mois seulement. Gaby m’avait téléphoné en revenant de ses obsèques et je n’avais pas très bien compris tant il sanglotait.
L’église était pleine.
Il y avait toute la famille, Thérèse son épouse, Bénédicte, Nathalie et Arnaud, ses enfants et tous les nombreux petits enfants. Ils étaient tous très émus tant Gaby occupait une grande place dans leur vie.
Il a été inhumé dans le cimetière attenant à l’église.
La cérémonie a été très émouvante.
Beaucoup des anciens de Fessenheim m’avaient envoyé des anecdotes marquantes. Paul Sébal, Yvon Madec, Thierry Bonnet, Monsieur Leblond et tant d’autres de Saint Laurent des Eaux. Gaby ne laissait pas indifférent et ses amis étaient très nombreux.
J’ai retrouvé sur place, avec plaisir, Annick et Michel Waller, Gérard Audet et Christian Hot qui avaient tous travaillé avec lui.
Le jeudi 15, une cérémonie avait été organisée chez lui à Eguilles près d’Aix en Provence. Y assistaient Gérard Petit, Pierre Salmon ex-REAM, Joël Barbotin, Potemsky qui était ISR à Fessenheim et beaucoup de ses amis de la SFEN Provence dont il était le trésorier. Nos amis Gérard, Joël, Pierre Salmon m’ont tous dit que c’était une cérémonie digne, émouvante mais également joyeuse car tous ses amis ont raconté des anecdotes typiques de la vitalité de Gaby. Après la mort de Yves Chelet qui s’était lié d’amitié avec lui, il avait créé le prix Yves Chelet. Georges Sapy en est titulaire et la dernière honorée est Géraldine Woessner du journal Le Point qui avait fait une très belle intervention.
Lors de la mort de notre fils Nicolas en 2020 en pleine période du COVID, il nous attendait devant l’église de Barbentane en compagnie de Gérard Petit. Suzy et moi avions été très sensibles à leur présence. A la cérémonie d’incinération qui avait précédé à Lyon, il y avait Jean-Marie Macquet ancien instructeur du CF Bugey puis ingénieur sur Superphénix, Michel Velon, chef de service à Bugey puis ailleurs et Jean-Claude Darsonville, mon ancien assistant à Fessenheim. Là aussi, nous ne sommes pas près d’oublier leur témoignage.
D’ailleurs quand Jean-Marie Macquet était arrivé comme instructeur simulateur en 1977, il venait de Phénix et avant de l’UNGG Chinon. Pour sa formation accélérée je l’avais envoyé 6 mois à Fessenheim et il m’a rappelé qu’il faisait le quart avec Gaby.
Comme le dit Monsieur Leblond, le cercle des anciens de Fessenheim se rétrécit. Seuls restent quelques dinosaures résistants mais pour combien de temps encore ?
Amitiés.
Jean Fluchère
ALLOCUTION PRONONCEE LE 17 JUIN 2023 DANS L’EGLISE D’AVOUDREY-DOUBS POUR LA MESSE DE FUNERAILLES DE GABRIEL AMIOT
Jean Fluchère
Thérèse vous pouvez être fière de votre mari et Nathalie, Bénédicte et Arnaud, de votre père.
Gaby était entré très jeune à l’école EDF de La Pérollière dans un cadre merveilleux à côté de Lyon. L’on y formait des mécaniciens pour les centrales hydrauliques et des techniciens pour la Distribution. A sa sortie, il avait été étalonneur de compteurs. C’était très bien vu de la part de ses chefs car il était très habile de ses mains et minutieux. Puis il est vite arrivé dans le nucléaire de la filière française à Saint Laurent des Eaux sur la Loire.
Je connaissais Gaby depuis 1973, 50 ans déjà, quand nous étions à la centrale de Chooz dans les Ardennes pour y apprendre le fonctionnement de la centrale nucléaire de Fessenheim que nous avions la mission de démarrer. Gaby en faisait plus que nous parce qu’après les cours très denses, il allait souvent en salle de commande et sur les matériels pour approfondir ses connaissances.
Il était opérateur à Saint Laurent des Eaux sur les tranches de la filière française dont le fonctionnement était très complexe. Le Directeur adjoint de Fessenheim qui en est devenu ensuite le Directeur venait aussi de cette centrale. Ce n’était donc pas un hasard si Gaby avait été choisi pour le poste de chef de quart à Fessenheim.
A Chooz, nous étions une douzaine et faisions tous partie de l’équipe de chefs de quart, de cadres et d’ingénieurs en charge du démarrage de Fessenheim. Ce passage de 4 mois ensemble nous a soudés pour toujours.
Nous avons effectué un travail considérable pour mettre en service cette nouvelle centrale qui était la première du parc. Gaby en particulier a passé des heures chez lui à faire un excellent document pédagogique sur le fonctionnement des automatismes électriques pour tous les exploitants et tous ceux qui en avaient besoin. J’en ai conservé un exemplaire très longtemps. C’était un modèle.
J’ai toujours eu de l’admiration et du respect pour les chefs de quart. Ce sont les seuls maîtres à bord pendant 8 heures. Et non seulement ils doivent assurer le bon fonctionnement de ce grand complexe industriel mais leur équipe constitue la sécurité immédiate des biens et des personnes. Ils sont les premiers pompiers en cas d’incendie et les premiers secouristes en cas d’accident ou de malaise de personnes. Et cela arrive. Ils ont une immense responsabilité.
Il y a 1 mois, un de ces amis, qui était chef de quart en même temps que lui, me disait que Gaby venait faire sa relève. Et le passage des consignes durait 1 heure ! Gaby tenait à tout savoir sur l’état des tranches. Une immense conscience professionnelle et une rigueur remarquable l’ont toujours habité.
Personnellement, j’ai quitté Fessenheim en 1976 appelé à d’autres fonctions mais je suis toujours resté en contact avec lui.
En 1981, après l’accident d’une centrale aux Etats-Unis en 1979. Il y avait une grande série de modifications à faire sur nos centrales qui étaient quasi identiques.
Le Directeur de Fessenheim a alors créé une cellule « modifications » confiée à un ingénieur et à Gaby qui le secondait. Il terminait sa carrière d’exploitant ce qui n’est jamais facile et il passait à l’ingénierie, domaine totalement nouveau pour lui. Il s’est adapté très rapidement. Il avait toutes les qualités requises : compétence, rigueur, implication, partage de connaissances, recherche d’excellence. Il avait du tempérament, c’est bien connu. Il fallait voir le silence qui régnait en salle de commande quand il apparaissait sur le seuil de la porte. Mais pour mener les grands chantiers dont il avait la charge, c’était très utile. C’était quelqu’un en qui on pouvait avoir une totale confiance.
Une petite anecdote montre le sens de la reconnaissance et de l’amitié de Gaby. Après le départ à Paluel de l’ingénieur chargé de la cellule modifications, il en est devenu le chef avec une promotion. Discrètement, il a envoyé une bouteille de champagne à son ancien chef pour le remercier de sa promotion. En réalité, sa promotion n’était due à personne d’autre qu’à lui-même pour toutes ses qualités professionnelles.
Les modifications étaient de très grande ampleur pour éviter que ne se reproduise un accident similaire à celui survenu aux USA. Le chef de centrale de l’époque m’a raconté que Gaby conduisait ces chantiers de main de maître. C’étaient des chantiers exemplaires en matière de préparation, de propreté, de sécurité et de repli lorsqu’ils étaient achevés.
Dans les années 1990, j’étais directeur de la centrale du Bugey. J’avais besoin d’un chef du service achats pour y mettre de la rigueur et de la méthode. J’ai tout de suite pensé à Gaby. Il ne voulait pas venir, prétextant qu’il n’y connaissait rien.
Je l’ai convaincu que je voulais de l’éthique, de la rigueur et de la profondeur de vues avec nos partenaires. Il est venu et s’est immédiatement investi dans ce nouveau métier. Il était toujours aussi minutieux. Quand il me présentait les commandes à signer, il savait tout sur les dossiers. Rien n’était laissé dans l’ombre.
Dans les années 1995, le niveau supérieur de la conception du nouveau réacteur, en cours d’achèvement aujourd’hui, a eu l’excellente idée de prendre une petite équipe d’exploitants pour examiner ce qu’il fallait faire afin que les matériels soient faciles d’accès pour la maintenance. Cette équipe était dirigée par mon ancien chef du service technique de Fessenheim, mon maître, un savant qui était devenu chef d’une centrale de Paluel. Il a immédiatement pensé à Gaby pour l’aider dans cette mission, c’était l’homme de la situation et il l’a appelé.
Cet homme n’a pas supporté le vide de son départ à la retraite. Il en est tombé gravement malade pendant plusieurs années. Gaby en était malheureux et il allait le voir régulièrement à l’hôpital en Alsace depuis Aix. Chaque fois il me donnait de ses nouvelles. Quand il est enfin sorti de l’hôpital, il a été très heureux. L’amitié n’était pas un mot creux pour lui. Lors du décès de notre fils Nicolas en 2020, en pleine période du Covid, il était là dans la petite église provençale de Barbentane et nous avons été très sensibles à sa présence. Il y a des choses que l’on n’oublie pas.
Puis nous nous sommes retrouvés à la retraite. Il a commencé par faire beaucoup de missions pour le directeur d’une filiale d’EDF qui l’avait aussi bien connu à Fessenheim. Certains hommes vous marquent dans une vie. Gaby faisait partie de ceux que l’on n’oublie jamais.
Bien entendu l’arrêt définitif de Fessenheim, pour des raisons purement politiques, alors que cette centrale remarquablement exploitée et entretenue, pouvait faire facilement 20 ans de plus, a été douloureusement ressenti par tous les anciens et encore plus par ceux qui y travaillaient comme Arnaud qui avait succédé à son père. Mais, dans la vie, il y a ceux qui construisent, qui exploitent et qui entretiennent 24h/24h et 7 jours/7. Il y a aussi ceux qui détruisent gratuitement et qui en sont fiers ! C’est tellement plus facile ! Je ne sais pas s’ils comprennent le mal qu’ils peuvent faire à tous les personnels.
Ensuite, il est devenu l’un des administrateurs de la Société Française de l’Energie Nucléaire Provence. Il m’a souvent demandé d’aller y faire des conférences. Bien entendu, chaque fois je passais alors la soirée et la nuit chez Thérèse et lui.
Il avait retrouvé à la SFEN Provence, un très grand pédagogue en matière de fonctionnement des réacteurs, Yves Chelet. Nous l’avions tous connus. Yves était un homme exceptionnel qui savait expliquer la science la plus complexe pour la rendre claire et compréhensible. Il s’était retiré à Aix en Provence. Il faisait partie de la SFEN et était devenu son ami. Gaby n’en revenait pas et il était très honoré. Il avait une telle admiration pour Yves qu’après son décès, il a proposé à ses collègues de créer le prix Yves Chelet. Ce prix est désormais attribué toutes les années et il honore des personnes qui ont beaucoup fait pour le nucléaire dans tous les domaines.
C’est à Aix que j’ai découvert tous ces talents manuels. Ne parlons pas du jardin, de sa maison, de ses voitures, de sa moto… Il avait une remarquable intelligence des mains. Il savait tout faire. Il réalisait des abat-jours en vitrail de toute beauté. J’ai quelques belles photos de ses réalisations. Il m’avait expliqué comment il faisait ; je n’ai jamais cherché à le concurrencer. Je crois qu’il avait même fait un métier à tisser. Il avait toujours plusieurs chantiers en même temps. C’était un actif.
La retraite, pas question pour Gaby, il ne connaissait que l’activité et le travail bien fait. Il faisait des kilomètres pour aller voir sa famille et ses amis. Il aidait ses enfants qu’il adorait. Je l’ai vu pour la dernière fois à Fontainebleau l’an dernier. Il était venu en voiture. Nous nous sommes embrassés en riant et il m’a raconté tout le périple qu’il devait faire après. J’étais loin d’imaginer que je ne verrai plus vivant.
Je l’avais souvent au téléphone ces dernières années et il faisait mon admiration pour son courage physique après ses passages douloureux dans les hôpitaux qui devenaient plus fréquents hélas. Mais sitôt sorti des soins, il avait de nouveaux projets et il repartait dans ses activités alors que parfois il souffrait encore sérieusement.
Gaby était aussi un bon vivant. Il aimait retrouver ses amis, dont j’étais fier de faire partie, et rire de tout. C’était un vrai doubiste.
Thérèse et les enfants, vous avez eu la chance d’avoir eu un mari et un père formidable. Un homme consciencieux, toujours en train d’apprendre, d’entreprendre, soucieux de sa famille, d’une activité phénoménale, doué de ses mains, courageux même dans les moments difficiles, et il en a trop eu, gardant toujours le moral et la gaieté.
Enfin Nathalie m’a dit qu’il était croyant et pratiquant. Cela faisait partie de son fond le plus intime. Il ne m’en avait jamais parlé.
Pour vous, Thérèse, Bénédicte, Nathalie et Arnaud, ce doit être un réconfort de le savoir maintenant là-haut où il continuera de veiller sur vous avec la bienveillance et la tendresse que vous lui avez toujours connues.
Adieu Gaby
- Il y avait beaucoup de monde. Il était très connu et très estimé dans son village. Il y a 5 mois son frère ainé était décédé. Ses deux sœurs étaient présentes. Tous ses petits enfants étaient là et il y avait beaucoup d’émotion.
Gaby est mort après deux mois d’hôpital à Aix en Provence dont une partie dans le coma.